Chamanisme Tourisme ?

On nous vend des voyages en Mongolie comme des plongées initiatiques dans les traditions chamaniques. On nous parle de rites anciens, de connexions profondes avec les esprits, de sagesse ancestrale à portée de main. On évoque le sacré, le mystère, l’authenticité. Mais que se passe-t-il réellement, derrière cette quête spirituelle transformée en produit touristique ?

 

La réalité est tout autre. Bien loin de l’image romantique que véhiculent les agences de voyages ou les récits d’Occidentaux en quête de sens, le chamanisme mongol est en réalité en sursis. Les véritables chamans ne cherchent ni disciples, ni touristes. Ils ne demandent pas à être filmés, photographiés, étudiés ou applaudis. Ce qu’ils veulent, avant tout, c’est vivre en paix sur leurs terres, continuer leurs pratiques sacrées hors du regard des caméras, hors du marché.

 

Mais le système est implacable. Pour avoir le droit de rester sur leurs terres, certains sont forcés à jouer le jeu : celui du chaman-spectacle. Ils montent des cérémonies pour les étrangers, ils traduisent, ils dansent, ils simulent parfois. Non par choix, mais parce qu’ils n’ont plus le luxe de dire non. Ils savent que s’ils refusent de se plier à cette folklorisation, ils risquent de tout perdre. Leur lieu, leur pratique, leur identité.

 

Ce qu’on appelle aujourd’hui "tourisme chamanique" ou "retraites spirituelles en Mongolie" est une forme insidieuse de colonialisme contemporain. Il ne prend pas la forme brutale des armées ou des drapeaux, mais celle, plus douce et plus hypocrite, d’un désir d’appropriation culturelle sous couvert de quête de sens. On consomme des rituels comme on consomme du yoga, des stages de tambour ou des symboles gravés sur des bijoux. On s’approprie ce qui ne nous appartient pas, sans jamais mesurer ce que cela détruit en face.

 

Les véritables chamans ne demandent pas qu’on vienne "apprendre auprès d’eux". Ils demandent qu’on respecte leur silence, leur autonomie, leur droit de ne pas partager ce qui est sacré. Ils n’ont pas besoin d’être "mis en lumière". Ils ont besoin qu’on cesse de faire d’eux les figures décoratives d’un imaginaire occidental qui les déforme.

 

Il est temps de regarder cette réalité en face. De reconnaître que derrière chaque "expérience authentique" vécue par un touriste occidental, il y a peut-être un peuple contraint, une culture instrumentalisée, un sacré trahi.

• Ce n’est pas parce qu’on paie un billet qu’on est invité.

• Ce n’est pas parce qu’on cherche du sens qu’on a le droit de prendre celui des autres.

• Et ce n’est pas parce qu’un rituel nous fascine qu’il nous est destiné.

 

Ils ne partagent pas le vrai. Ils donnent un masque. Un faux chamanisme, un simulacre destiné à protéger ce qui ne doit pas être pris. Et il y a un revers. Car pour eux, venir sans respect, c’est violer le sacré. Et quand le sacré est violé, il se défend. Beaucoup d’Occidentaux repartent avec des énergies lourdes, des malédictions, des entités, sans comprendre. Non pas parce que les chamans sont malveillants, mais parce qu’ils protègent leur tradition, parce qu’ils savent que ce qui est profané doit être remis à sa place. Il y a donc un véritable danger spirituel à se croire invité là où l’on n’a pas été appelé.

 

En Occident, nous ne sommes pas des chamans traditionnels. Nous sommes néo-chamanes, héritiers d’une quête personnelle, d'un long et intense travail sur soi durant de longs mois, enracinés dans notre propre histoire.

 

Nous avons ici, en occident, des personnes profondément engagées, qui pratiquent et transmettent dans le respect, la déontologie, la conscience, sans voler ni trahir le Chamanisme. Des êtres qui savent que la première protection du chamanisme, c’est de laisser les peuples traditionnels en paix.

 

Le vrai respect commence par le silence. Par le non-prendre. Et par l’humilité de se tourner vers ce qui est juste, ici, maintenant, sans coloniser ce qui est sacré ailleurs.